Musique Maestro ...

 

Qui ne se souvient du roi Louis, le roi des singes dans le dessin animé de Walt Disney « le livre de la jungle » d'après le roman éponyme de Kipling. Son rêve : «  Je voudrais devenir un homme, ce serait merveilleux ,... » Dans une des scènes, on le voit soutenir à bras le corps le temple qui s'effrite au dessus de lui. Parce que ce temple représente son rêve, ce à quoi il aspire et qu'il chante d'ailleurs à tue tête . Et l'ours Baloo prend alors un malin plaisir à venir le chatouiller pour qu'il lâche prise.

Notre quotidien est émaillé de paradoxes, de situations où la cohérence semble avoir déserté le réel. Aux situations « borderlines », dans lesquelles nous baignons, l'adéquation de réponses adaptées n'est pas toujours de mise, surtout quand les court-circuits ne se placent pas uniquement dans le relationnel au jeune, mais également dans l'incapacité de certains services extérieurs, voire de parents à entrer avec nous dans une dynamique de collaboration structurante...

 

Qui ne se souvient du roi Louis, le roi des singes dans le dessin animé de Walt Disney « le livre de la jungle » d'après le roman éponyme de Kipling. Son rêve : «  Je voudrais devenir un homme, ce serait merveilleux ,... » Dans une des scènes, on le voit soutenir à bras le corps le temple qui s'effrite au dessus de lui. Parce que ce temple représente son rêve, ce à quoi il aspire et qu'il chante d'ailleurs à tue tête . Et l'ours Baloo prend alors un malin plaisir à venir le chatouiller pour qu'il lâche prise.

Si pour le roi Louis, ce rêve auquel il tient par-dessus tout est celui de devenir un « homme « , nous quel est notre rêve , celui qui nous fait tenir bon malgré tout, si ce n'est celui de devenir plus « humain »

 

Plus humain, face à des obstacles qui semblent insurmontables, à des souffrances enracinées dans l'âme qui rendent certains jeunes peu perméables à l'émotion, à l'empathie, au don de soi, à la confiance en l'autre et en finalité, simplement à l'affectif.

 

Et, dans l'impasse des portes fermées, être plus « humain » ,c'est peut-être reconnaître nos propres faiblesses, hors de ces certitudes de vieux baroudeurs de la relation, du cadre rassurant des routines bien huilées, puisque le grain de sable, quoi qu'il arrive, vient gripper l'ensemble du système et dévoile les pieds d'argile de nos évidences.

 

Il faut donc laisser une place pour l'incertitude dans ce mélange de raisonnable et d'émotions qui nous traversent, en donnant l'opportunité au jeune d'écrire lui-même la partition que nous allons essayer d’interpréter ensemble. Partition qui, nous le savons, va sortir de la « portée » sur laquelle nous nous appuyons d'habitude.

 

Donnons alors, pour commencer, le tempo, sans plus, par les rituels qui posent le temps en bulles rassurantes, par l'effet de présence et l'harmonie des réponses cohérentes, et du temps pour que ce rythme inscrive une trace, un battement qui régule la relation, la rende de plus en plus accessible à la confiance, à l'émotion qui jusque-là s’avérait trop dangereuse

 

Donnons le tempo, sans plus, mais en le posant avec détermination, car les notes qui s'inscrivent sur cette partition originale composent la plupart du temps une fuite en avant, une fugue1 sans repères stables, que cette carapace qui donne le change en montrant une insensibilité, un « hors de portée ».

 

Hors de portée, et pourtant si près, dans ce monde imaginaire qui ne fait pas peur parce ce jeune en a la maîtrise, hors de portée et donc, s'il le désire, hors d'atteinte, de tout ce qui pourrait le toucher...

 

La fugue a besoin d'espace pour s'épanouir, mais aussi et surtout d'un point d'ancrage pour pouvoir partir et revenir. Ce point d'ancrage, ce tempo essentiel et souvent inexistant jusqu'alors, autorise enfin l'expression, de façon débridée et parfois paroxystique d'émotions qui , dans un premier temps marquent généralement la révolte et la colère. Un peu comme avec une soupape, le trop plein va d'abord tenter de s'évacuer. Paradoxal quand l'effet escompté, au contraire, est d'amener de l'apaisement, de diminuer la souffrance, de proposer un monde un peu plus serein. Décodé, ce premier temps d'exposition peut être perçu autrement, comme une étape nécessaire dans un processus de découverte de soi et des autres.

 

Et donc, ce point d'ancrage permettant l’émergence d' émotions au grand jour peut devenir aussi un point de repère, qui commence à donner une direction, une visée vers où se diriger... Point d'ancrage, mais pas encore port d'attache où pourrait être déposé enfin ce « trop lourd à porter ». Trop tôt pour arrêter la fuite de ce qui fait mal, écrire une fugue reste pour un temps l'option la plus adaptée pour éviter d'affronter le réel trop douloureux...

 

Et pour celui qui pose le tempo, il est difficile de jouer ,d'accompagner, d’interpréter cette fugue : l'orchestre se tait ; Il n'y a pour commencer que l’interprète et le chef d'orchestre en scène. Il faut se lancer dans le vide, sans véritable filet de sécurité, se dévoiler, se mettre à nu avec toutes les conséquences que cela induit. Et la fausse note, l'hésitation, la peur de se tromper, tout cela est mis en évidence sans concession, mais avec l'attente que la confiance octroyée va un jour porter ses fruits. Pas de convictions, mais toujours l'incertitude : est-ce le bon positionnement, est-ce la bonne méthode, le bon rythme, mes propres émotions ne parasitent-elles pas trop la relation, suis-je cohérent dans ce flou artistique …. ?

 

Prendre le risque de s'exposer ainsi demande donc du courage, de la ténacité, mais également un soutien inconditionnel de l'orchestre, cette équipe qui vient étayer le chant pour tenter l'harmonie, parfois donner d'autres partitions à s'essayer , octroyer du sens à ce qui est en train de se jouer.

 

Beaucoup de questionnements, de remises au point, de lassitude parfois parce que certains passages sont trop difficiles à jouer, qu'ils demandent de répéter et répéter encore le mouvement, mais , comme le roi Louis, sans jamais baisser les bras, même si on a l'impression que tout s'effrite autour de nous, car qui portera le rêve de devenir plus humain, si nous-même n'y croyons plus ?

 

Alors, « Musique , Maestro …. »

 

Bernard Brasseur

Décembre 2012

 

1En musique, la fugue est une composition musicale qui donne l'impression d'une fuite et d'une poursuite par l'entrée successive des voix et la reprise du même thème (définition Larousse) Ce qui présuppose qu'au départ, une seule voix va donner ce thème...


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