Coéducation : entre aide et partenariat…

Dans le travail de réflexion sur la coéducation dans lequel nous nous sommes engagés, la plupart des séquences descriptives proposées par les différents sites partenaires montrent que celle-ci est idéalement vue ou décrite comme un partenariat entre l’intervenant et la maman, partenariat visant le bien-être et l’éducation de l’enfant.

Ce sont des moments du quotidien où la coéducation est mise en évidence, moments précieux qui n’ont pu apparaître que parce que certaines conditions étaient rassemblées pour ces mamans en difficulté ainsi que pour les intervenants qui les accompagnent.

 

Tout d’abord, le contexte dans lequel s’inscrivent les interactions. Le plus souvent, celui-ci est institutionnel, avec des règles, des valeurs, des objectifs sous-jacents. Ce qui, vous en conviendrez, amène une « dépendance » au système proposé plutôt qu’un partenariat.

Or, paradoxalement, une structure claire, où les balises dans lesquelles la personne peut évoluer sont bien définies semble un préalable nécessaire pour que cette personne puisse se poser avec son enfant, se sentir en sécurité, pouvoir évacuer ou mettre entre parenthèses des évènements ou des traumatismes qui parasitent sa relation aux autres et donc à son enfant.

Un autre avantage du milieu institutionnel, c'est qu'il crée en son sein un microcosme social par la population accueillie. Des alliances, des affinités, un « partenariat » peuvent se dévoiler ainsi par la magie de la solidarité de gens ayant vécu des difficultés similaires, et qui partagent leurs expériences de vie.

L’écueil à éviter, pour l’institution, c’est que ces règles ou balises deviennent statiques, se transforment en dogmes et finissent par occulter l’individu au profit de la règle.

Il faut donc des règles claires, justes, adaptées, en cohérence avec un projet qui prend en compte la personne en tant qu’individu. La structure d’accueil a donc intérêt, pour le respect des personnes qu’elle reçoit, de se remettre en question régulièrement, et de s’inscrire dans un processus évolutif en fonction des évènements et des personnes qui le construisent ou le traversent. Le seul paramètre intangible reste la « non » mise en danger psychique et physique de l’enfant .

Ensuite, le travail des personnes de terrain prend toute son importance pour amener la personne à se sentir en confiance et comprise dans sa globalité

Rappelons ainsi que l’attitude empathique (cette hospitalité intérieure pour l’autre), la congruence entre ce qui est dit, fait, ressenti, le non-jugement, la position basse favorisant l’écoute, et pourquoi pas l’humour, sont autant d’outils utilisés en vue de créer cet état de confiance.

Une fois que cette confiance s’est établie, que s’est créé ce lien où chacun prend sens aux yeux de l’autre, le terrain est enfin propice pour que la personne se sente à nouveau compétente,

Le canevas d’observation et les différents outils utilisés peuvent amener à ce sentiment de compétences , uniquement parce que la confiance réciproque est de mise.

Le travailleur de terrain peut également renforcer ce sentiments de compétences, en motivant, en montrant, en apprenant, en donnant confiance, …, bref, en essayant de donner de plus en plus de capacités , et donc d’indépendance, et cela, en respectant le rythme et la demande de la personne qu’il accompagne.

Il faut faire ici la différence entre une aide « imposée » (par les circonstances, par la mise en danger de l'enfant, ...) qui se présente plus comme une contrainte pour la personne qui la subit( et nous éloigne par la même occasion de l'idée d'un « partenariat ») d'une aide qui répond à une demande explicite ou même implicite et qui crée ainsi une connivence tacite entre l'intervenant et la personne.

Toute la subtilité du travail réside dans le fait de sortir de la contrainte en amenant la personne à formuler des demandes en fonction de ses difficultés, et de l'aider par les différents moyens cités plus haut à trouver en elle les ressources pour pouvoir les résoudre.

On voit aussi le danger d’utiliser tous ces outils ( et entre autre le canevas d'observation) vers d’autres objectifs que la coéducation, en s’en servant par exemple pour mieux cerner, juger, étiqueter la personne dans ses (in)compétences, et s’en servir pour étayer une vision négative de celle-ci.

En parallèle, il faut permettre à la personne de sortir tout doucement du carcan institutionnel, de marquer de plus en plus ses désirs, ses propres règles, de prendre l’initiative, de donner son point de vue,…

C’est dans ces circonstances que le mot « partenariat » prend toute son ampleur, et amène à une coéducation non plus d’aidant - assisté, mais à une coéducation de type plus égalitaire, où la personne marque « son territoire, son enfant, sa vie », selon les compétences qui lui sont propres, et prend tout doucement son envol comme personne « autonome »

Il nous faut donc trouver le bon moment, la bonne situation pour se permettre de favoriser ces moments d'autonomie par un lâcher-prise, par l'acceptation de ne plus nécessairement maîtriser l'évènement et donc de travailler sur le fil en faisant confiance.

Comme on le voit, la coéducation, dans le cadre institutionnel, n'est pas une évidence ni un concept qu'il suffit d'appliquer dans le quotidien de ces femmes, de ces enfants et des intervenants qui les accompagnent . Elle entre dans une progression parfois difficile où des d'efforts, des remises en question, des compromis, mais aussi de la complicité,du partage,... de part et d'autre sont mis en jeu pour qu'émergent ces moments de partenariat véritable.

 

Bernard Brasseur


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